L’économie wallonne a un besoin vital de la France
Les patrons
des PME wallonnes n’ont pas encore pris conscience qu’il
est plus intéressant pour eux d’échanger avec la France
qu’avec la Flandre. Quarante-cinq années de carrière
commerciale en Belgique m’ont apprises la difficulté de
vendre chez nos voisins du Nord, sinon son impossibilité
depuis quelques années déjà. Le Flamand n’achète Wallon
que lorsqu’il ne peut faire autrement. Le Wallon a
tendance à favoriser cette région pourtant devenue
hostile dans ses achats, car il est encore empreint du
sentiment national.
À l’heure
où notre marché local se rétrécit, il est important de
faire même plus que vendre. Il est important de
commercer, c'est-à-dire de pratiquer des échanges
étroits entre les acteurs industriels et commerciaux des
Régions de France.
C’est à
ce prix que les affaires wallonnes se redresseront.
Mais en marketing, l’on parle souvent d’un péché majeur
qui paralyse l’entreprise, la myopie marketing. |
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Quel est son
principe ? Consultons le « Petit Larousse ».
Myopie : 1. Anomalie de la vue qui fait que l’on voit trouble
les objets éloignés. La myopie provient d’une trop grande
convergence du cristallin, qui forme les images en avant de la
rétine. Le port de verres divergents corrige cette anomalie. 2.
Fig. Manque de discernement, de perspicacité, de prévoyance.
Voyons maintenant ce qu’en disait Théodore Levitt, professeur à
Harvard (USA) et un des créateurs de l’idée marketing : « la
myopie marketing atteint les cadres et dirigeants de nombreuses
entreprises qui n’arrivent pas à avoir une vision large de leur
activité et de ce fait, mettent sa croissance en danger par leur
manque d’orientation marketing.»
Alors, essayons de
voir pourquoi la France est particulièrement importante pour
eux.
1° la proximité :
La France nous est proche géographiquement. Liège est plus
proche de Paris que Marseille. Ne parlons pas du Nord de la
France qui est encore plus proche et quémandeuse de
rapprochement avec la Wallonie. La distance n’est donc pas un
obstacle majeur.
2° la langue
La Wallonie, dans son ensemble est profondément francophile et
possède parfaitement la langue et la culture de l’hexagone, la
communication se fait avec une facilité déconcertante.
3° le risque d’impayés
De nombreuses sociétés bancaires ou de factoring sont à la
disposition de l’entreprise et permettent de s’assurer contre
les mauvais payeurs.
4° les formalités administratives
Des organismes comme les chambres françaises de commerce et
d’industrie sont à disposition de l’entreprise wallonne pour
l’aider aussi bien à une implantation dans ce marché que pour
mettre en contact fournisseurs et clients de nos régions
respectives.
5° des difficultés insurmontables pour
franchir la frontière ?
Avec la suppression de la circulation des personnes et
des biens par l’Europe, c’est devenu un mauvais souvenir.
Elle
serait aussi particulièrement intéressante pour nos petites
entreprises innovantes, et il y en a un grand nombre chez nous,
de bénéficier de l’appui de grands groupes français.
À titre d’exemple de
réussite, l’on peut citer Orthodyne, un concepteur d’analyseurs
de gaz chromatographiques liégeois, qui s’est créé une
réputation mondiale grâce à des clients comme Air Liquide, Air
Products, Praxair, toutes multinationales françaises ou encore
le CRNS. En 2005, une Marianne de Cristal l'a récompensée pour
la constante amélioration des rapports industriels et
commerciaux avec l'hexagone.
D’autres exemples,
comme les Éditions Hemma, basées à Chevron, qui publient des
livres pour enfants et qui mêlent dessinateurs et auteurs
wallons et français, ou encore Star-Apic qui produit des
systèmes d’informations géographiques et qui essaime des
implantations prospères à Paris, Lyon et Mulhouse.
Ces quelques noms
parmi d’autres prouvent combien, si les PME liégeoises
s’orientaient plus vers la France au lieu de s’obstiner à se
cogner sur le mur de la frontière linguistique belge, elles
bénéficieraient d’un accroissement rapide de leur chiffre
d’affaires et augmenteraient le nombre de leurs collaborateurs
plus facilement.
Et ne parlons pas
d’une éventuelle intégration de la Wallonie à la France. Cela
donne le vertige.
Se trouver au cœur
de la 5e puissance économique mondiale, bénéficier du
soutien d’un gouvernement qui pratique un équilibre entre ses
régions et dont le président a une présence diplomatique presque
universelle, leur donnerait des capacités d’exportation qu’ils
ne peuvent même pas imaginer aujourd’hui !
Et même pour les
petites entreprises industrielles, commerciales ou artisanales
wallonnes qui n’exportent pas leur savoir-faire indéniable, se
retrouver au milieu d’un marché domestique de près de 70
millions de consommateurs, quelle aubaine !
L’on a toujours dit
que la Belgique était un petit pays. Et c’est vrai. Alors
pourquoi les Wallons ne verraient-ils pas grand en optant pour
la grandeur et la puissance. Là, ils pourraient développer de
nouveau le génie créateur qui a essaimé l’Europe les siècles
derniers.
Mais cela est pour
un futur proche. En attendant, resserrons les liens politiques,
économiques, culturels et sociaux avec l’hexagone. Ce sera le
premier pas vers une prospérité pour nous, alors
qu’actuellement, elle est en train de disparaître à une vitesse
en constante accélération !
René G. Thirion
Ancien secrétaire général de la Chambre française de Commerce de
Liège |