… Mais si nous nous plaçons plus
spécialement au point de vue de l’industrie
wallonne, nos devons veiller à lui assurer une
protection toute particulière.
En effet, dans la lutte pour la
production aux plus bas prix de revient, la
haute banque qui préside, en fait, aux destinées
de notre industrie, a montré, à diverses
reprises déjà, qu’elle était parfaitement
décidée à transplanter les usines wallonnes dans
les régions flamandes, plus proches de la mer,
ou le long de canaux de Campine. Il y a là en
effet des terrains bien placés, bon marché
encore, une main d’œuvre qui, se trouvant dans
des conditions géographiques différentes de la
nôtre, coûte moins cher.
Dans ces conditions, si nous n’y
prenons pas garde, notre pays liégeois sera
progressivement vidé de sa substance, comme le
Hainaut l’est depuis quelques années déjà. Et
nous attirons tout spécialement l’attention sur
les dangers qu’à cet égard le canal Albert fait
courir au bassin industriel liégeois, en
attirant le long de ses rives des établissements
industriels nouveaux, sinon même déjà installé
chez nous.
Il serait par conséquent essentiel
que, dans le domaine économique, comme sur le
plan culture, le sens de la communauté wallonne
s’éveille chez nos industriels. Il y va de leur
intérêt bien compris. Il serait nécessaire qu’un
organisme central, purement wallon, groupe les
représentants de l’industrie wallonne et soit
ainsi capable de protéger notre économie
régionale.
Les Flamands l’ont parfaitement
compris. Il ont créé le Vlaamsch Economisch
Verbond qui réunit les dirigeants des
principales industries du pays flamand. Cet
organisme envisage tous les problèmes
économiques, en matière de transports, de
contingentements, de protection douanière, etc.
sous l’angle exclusivement flamand.
Et bien entendu, parce qu’il est
flamand, il bénéficie de l’appui et de la plus
haute considération de toutes les autorités
officielles belges. Il suffit, pour s’en assurer
d’observer qu’aux époques de crises
ministérielles, le président ou le directeur du
V.E.V est gravement appelé au Palais Royal pour
exposer les desiderata des industriels flamands.
…
La plupart de nos dirigeants ne
veulent pas en entendre parler, en aucune
manière, d’un tel rapprochement franco-belge.
Ils disent que la France n’en voudra
pas. L’argument est assez spécieux quand on
songe aux propositions françaises que nous avons
toujours repoussées.
Ils prétendent ensuite qu’il ne
veulent pas être portugalisés. Ils
affirment que nous serions immédiatement avalés,
absorbés par lesd Français et que notre
indépendance serait condamnée à disparaître à
brève échéance. C’est là un argument purement
sentimental , assez difficile à combattre au
moyen d’éléments positifs. Nous pouvons
toutefois faire ressortir que le Grand Duché de
Luxembourg, qui a associé ses intérêts
économiques aux nôtres, ne paraît nullement « portugalisé ».
Quand il s’agit de faire entendre ses intérêts,
il sait parfaitement faire entendre sa voix …
… Et cependant la population
grand-ducale ne représente guère que 1/35 de la
population belge tandis que nous, nous
atteindrions plus de 1/5 de la population
française.
On sent nettement que, si nos
dirigeants ne veulent pas d’une entente
économique étroite entre la France et la
Belgique, ce sont d’autres considérations que
des considérations économiques qui les font
agir.
Et ici nous quittons le terrain
économique pour pénétrer dans le domaine
politique. Nous trouvons maintenant devant nous
la vieille hostilité à tout ce qui est français,
la vieille haine de la Flandre à l’égard de la
France et force nous est de constater que l’on
préfère dans les milieux dirigeants de la
Belgique d’après-guerre, sacrifier les intérêts
du pays à la mystique antifrançaise.
Mais me direz-vous, vos chiffres ne
sont pas exacts et de quelle guerre s’agit-il ?
Sachez qu’il s’agit d’extraits d’un livre
intitulé « Pour un régime économique nouveau »
écrit par Maurice Firket, Professeur à l’Ecole
des Hautes Etudes Commerciales et Consulaires de
Liège en … 1939.
A lire ces réflexions, l’on constate
qu’il y a déjà 70 ans, un lobby flamand soutenu
par des politiques belges avait entamé une
stratégie économique du développement de leur
région.
Aujourd’hui, remplacez simplement le
mot Belgique par le mot Wallonie et vous
constaterez que rien n’a changé. Cette fois ce
ne sont plus des politiciens belges qui portent
la responsabilité du déclin de notre région,
mais bien des politiciens wallons qui ont les
mêmes réticences vers ce qui pourrait nous
ouvrir de nouvelles perspectives, le retour à
la France.
René G. Thirion
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