Quand j'ai passé mon
écharpe tricolore je fut happé par la foule et
applaudi comme rarement. Je me suis retrouvé sur
la tribune avec le micro du mégaphone à la main.
Et j'ai réalisé une fois de plus ce que nos
trois couleurs représentaient encore dans
l'imaginaire collectif universel. Un Grec m'a
dit en français : "vous sauvez l'honneur" ! Une
femme a ajouté : "ce qui nous arrive aujourd'hui
vous arrivera bientôt à vous français". Car oui,
au-delà de la question économique, c'est bien la
question politique, la question démocratique qui
est le levier de cette révolte populaire.
Les Grecs ont compris que leurs dirigeants
n'étaient plus que les pantins d'un ordre
mondial et européen, autoritaire et inique.
La démocratie déjà à moitié virtuelle entre les
deux partis qui se partagent le pouvoir depuis
1974 est désormais devenue totalement fictive.
La goutte d'eau qui fait déborder le vase est
bien sûr la décision imposée par l'Union
Européenne de privatiser à bas prix les
entreprises publiques grecques. En un mot, de se
payer sur la bête qu'ils épuisent par le plan
d'austérité.
C'est un pas sans précédent qui est franchi. Il
s'agit de la première spoliation organisée par
l'Union Européenne sur l'un de ses Etats
membres.
L'économiste que nous avons rencontré ce matin -
et qui n'était pas suspect de nationalisme
puisqu'il avait participé aux négociations de
l'adhésion de la Grèce à l'UE - dénonçait le
déni de réalité des dirigeants européens et
s'inquiétaient de le voir aboutir à un rejet
total, profond de l'idée européenne. "A force de
lier l'euro et l'Europe, ils vont faire exploser
l'un et l'autre".
Comment croire en effet qu'un gouvernement
puisse longtemps imposer à son propre peuple une
politique qui le ruine ? Il n'y pas besoin
d'être un grand historien pour le comprendre.
A force de nier l'histoire, de nier le sentiment
national, de nier l'économie réelle, les
dirigeants ont perdu tout sens des réalités.
Leur monde est virtuel.
Malheureusement, celui des chômeurs ne l'est
pas. La baisse du pouvoir d'achat ne l'est pas
non plus. On comprend dès lors la colère des
Grecs à qui l'UE et le FMI demandent une
déflation intérieure de 40% (puisqu'ils ne
peuvent pas dévaluer leur monnaie). Seuls des
pays en temps de guerre ont supporté un tel
recul !
Il va de soi que la Grèce ne pourra s'en sortir
qu'en reprenant en mains son destin. C'est à
cette seule condition que le peuple fournira
l'effort nécessaire, et là encore, seule la
sortie de l'euro lui donnera l'oxygène pour
retrouver une marge de manœuvre économique et
sociale, et donc la dignité.
Le Général disait "La République c'est : la
souveraineté du peuple, l'appel de la liberté,
l'espérance de la justice". Voilà le seul chemin
possible pour la Grèce.
Nicolas DUPONT-AIGNAN
député de l'Essonne |