La France maintenant !
Beaucoup pensent que les difficultés
qu'engendreraient les négociations en vue
d'une scission de la Belgique seraient
tellement énormes que cela est un argument,
sinon pour la pérennité de la Belgique, du
moins pour juger inconséquent le programme
et l’action politique de la N-VA depuis les
dernières élections fédérales. Ces
réflexions sont en partie justes, c'est bien
pour cela qu'en cas d'échec des négociations
en vue d’une réforme de l’Etat, il n'y aura
pas de négociations pour scinder le pays.
Essayons de nous mettre à la place des
dirigeants de la NVA. Que veulent-ils ?
Soit : une réforme de l'Etat qui permette à
la prochaine crise de proclamer
l'indépendance de la Flandre avec Bruxelles
comme capitale de manière légale en regard
du droit international. Ce constat n'a rien
d'extraordinaire, ils tiennent ce genre de
propos à qui veut les entendre. |
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Soit, si ce scénario est impossible du fait
de la résistance des francophones (qu’ils
souhaitent probablement), il y a le plan
B :
pourrissement de la situation, approfondissement de
l’incertitude politique par de multiples provocations
envers ses partenaires potentiels et, parallèlement,
par des appels du pied à d’autres formations politiques,
sans aller au bout du moindre projet. Le chaos et
l’anarchie s’installant progressivement, les régions se
gouverneraient elles-mêmes. La Flandre devenant
indépendante de fait, elle attendrait le moment propice
pour transformer cet état de fait en état de droit.
En même temps qu’elle se proclamera officiellement
indépendante et souveraine, la Flandre devra, dans le
même mouvement, s’annexer Bruxelles. Cela ne peut se
faire que par un coup de force mais en évitant les
violences, celles-ci manifesteraient le caractère
agressif et peu légal de l’annexion, condamnant la
communauté internationale à intervenir. Devant le vide
du pouvoir, la légitimité de la région
Bruxelles-Capitale s’effondrerait, celle-ci lui étant
donnée par un Etat qui n’existerait pratiquement plus.
D’éventuels contestataires, de toute façon désemparés et
sans projet, peu soutenu par une population affolée
prête à se donner à qui veut la prendre, pourraient être
aisément dispersés par la police bruxelloise, déjà
flamande aujourd’hui dans les faits, soutenue par
quelques Bruxellois francophones et/ou bilingues
soucieux du maintien de l’ordre.
De toute façon, les Bruxellois ne choisiront jamais
délibérément la seule solution qui peut les sauver de la
Flandre : appeler la France à l'aide. Ils se résigneront
à la domination flamande, celle-ci conservant à
Bruxelles son statut de capitale et préservant les
Bruxellois de l’incertitude politique, économique et
sociale. L’ordre régnant à Bruxelles sera le meilleur
argument en faveur d’une annexion que l’on présentera
comme légitime en regard de l’histoire et du droit.
Une fois proclamée la République de Flandre avec
Bruxelles pour capitale, la question d'une Belgique
résiduelle devient évidemment caduque. Il ne saurait
être question de négociations en vue d’un accord de
séparation puisqu'il n'y aura plus qu'un seul
partenaire, la Flandre. Personne ne pourrait s’opposer à
elle : les instances francophones seraient démantelées
suite à l’annexion de Bruxelles et aux inévitables
dissensions et déchirements au sein de la classe
politique francophone occasionnés par la longueur de la
crise, sans oublier leur humiliation complète et leur
discrédit auprès de la population.
C'est à ce moment que la Flandre demandera un règlement
international de la question belge qui sera résolue
d’une part par la reconnaissance de la République de
Flandre, et d’autre part, par la définition du statut
des territoires résiduels. Des portions de territoires
pourraient être réclamées par l'Allemagne (Eupen, Saint
Vith) et le Luxembourg (Arlon, Martelange, Attert,
Messancy) mais aussi par la Flandre ! Car celle-ci n'a
pas renoncé à récupérer ses terres perdues en Brabant
wallon (Braine l'Alleud, Waterloo, La Hulpe,
Rixensart,…) et en Hainaut (Comines, Mouscron, Flobecq),
voire en Province de Liège. Il n'est pas du tout exclu
que les populations soumises à referendum dans ces
communes votent le rattachement à la Flandre car la
France, seul salut des francophones de Belgique, n’aura
pas été invitée à temps par les hommes politiques
belges, par peur d’apparaitre comme les fossoyeurs de
l’Etat auquel la population demeure passionnément
attachée au point de se refuser à envisager
rationnellement l’avenir.
Il faut dire que la situation politique en Flandre a
été, au mieux ignorée par la classe politique
francophone, au pire dissimulée à la population. Ces
mêmes populations dans les communes réclamées par la
Flandre pourraient se dire qu’après tout, les Flamands
sont d'abord des Belges et qu’ils n'ont pas tort sur
tout, que les Wallons n’ont que ce qu’ils méritent (le
syndrome de Stockholm étant aussi important dans
l'identité belge qu’une francophobie commandée par les
structures politiques qui ont présidé à la fondation de
l’Etat belge) …et « last but not least », argument de
poids en vue du rattachement à la Flandre : sa grande
prospérité, qui fait l’admiration des Wallons et qu'ils
envient. Les plus récalcitrants à l’annexion pourraient
éventuellement être intimidés par des manifestations de
groupes nationalistes (Voorpost, TAK) soutenus une
partie de la population flamande, le reste se tenant
coi, le gouvernement flamand n’intervenant pas
prétextant sa faible autorité due à sa toute nouvelle
légitimité.
La Belgique, création politique pensée comme un barrage
à la France suite à la défaite de Waterloo, accomplirait
ainsi hélas ! jusqu’au bout son destin en cédant les
communes les plus prospères de Wallonie au monde
germanique qui sortira renforcé de la fin de l’aventure
belge. Une seule chose peut nous sauver du désastre et
de l’humiliation complets : appeler au secours nos amis
de France qui, de grand cœur, répondraient positivement
à un appel légitime venu des autorités légales de
Wallonie et de Bruxelles et c’est dans l’ordre, le
calme et surtout dans l’honneur que les peuples de
Wallonie et de Bruxelles se verraient proposer de
décider eux-mêmes, librement et en toute indépendance,
le statut qu’ils souhaitent donner à leurs deux régions.
Jean-Philippe Rollin
25 janvier 2011 |