Comme toujours une
excellente intervention de Maître Collard.
Bien plus, qu''une réaction sur
un fait divers sanglant, il
appelle à une réflexion sur
l'évolution de la société. Et ne
sommes-nous pas tous un peu
responsables de cet état de fait
? Nous sommes devenus des
spectateurs passifs de réalités
qui ressemblent au séries
télévisées, aux téléréalités, le
tout sous le regard bienveillant
d'un monde politique qui a
compris le vieil adage "du pain
et des jeux" Cela distrait
l'électeur et comme le pain
manque de plus en plus ...
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La réalité dépasse la fiction ? Non, la
fiction est devenue réalité.
Ce qui est l’expression tragique d’un
franchissement des frontières subjectives,
d’une rupture des digues qui contenait
encore l’explosion des extrémismes
criminels. La scène projetée sur un écran
ferait frémir. Elle est désormais figée dans
la matérialité de la mort d’un jeune homme
de vingt et un ans, assassiné à Villepinte,
à son domicile, sous les yeux de son père et
de sa mère, de ses sœurs, 16 ans et 20 ans,
de son frère, 12 ans. |
! |
Entre 5 h 45 et 6 heures, quatre tueurs, cagoulés et armés, pénètrent dans le quartier pavillonnaire, défoncent la porte du garage, hurlent « police », tirent la victime de son lit, la traînent dans le salon et l’abattent de plusieurs balles de calibre 9mm.
Un autre monde, en gestation depuis des années de lâcheté, cocooné par les discours irréels sur les banlieues, arrosé à l’arrosoir de la langue de bois, du manque de discernement, vient de naître. Quel que soit le mobile ou les mobiles à découvrir de cet assassinat, il nous fait entrer dans une nouvelle violence, la barbarie post-moderne à visage cagoulé.
Pour tuer un jeune homme froidement, dans la perpétration lente d’un scénario criminel détaché, comme çà, sous les yeux des siens, il faut évoluer dans un autre univers où les sensibilités sont mortes, ou la jouissance à tuer devant des « spectateurs » concernés relie le crime au spectacle.
On a laissé, au fil du temps, s’incruster une sous-culture de la violence, avec ses codes, ses gestes, ses vêtements, ses chansons, son parler, ses territoires, ses rituels, au point qu’aujourd’hui elle impose ses codes sanglants. À cela, parmi d’autres causes, la démission et la lâcheté, qui nous rendent incapable de mettre des mots justes sur une réalité criminogène, de dénoncer l’émergence de tribus criminelles, au sens sociologique, mafesolien (1) du terme, dans nos cités, nos banlieues inhumaines. Salauds d’architectes et d’édiles d’alors !
Tous les codes ont sauté dans la perpétration de ce crime, le domicile, la nuit, la famille, la jeunesse, le respect de la vie, des parents, la référence à la police, passeport pour tuer, dans un inversement significatif des valeurs. En même temps, ce crime en dit long sur l’armement et les méthodes. Palerme n’est plus en Sicile et la mafia importe, par imitation cinématographique, ses méthodes dans nos quartiers. C’est l’appropriation des méthodes maffieuses par un milieu qui n’est pas le milieu.
On se prépare de beaux jours. Enfin, il ne faut pas être trop pessimiste…Gbagbo a été arrêté, nos cités peuvent dormir en paix…
Gilbert Collard - 11 avril 2011
1 - mafesolien - référence aux travaux de Michel Maffesoli, professeur des universités, à la Sorbonne, à l’université Paris-Descartes. NDLR.
Wallonie 2010 remercie particulièrement Maître Collard pour ses nombreuses autorisations à publier ces articles.
L’ auteur
Gilbert Collard est avocat au Barreau de Marseille, ancien secrétaire de la conférence et Chevalier des Arts et Lettres. Il est Président du MOSC (Mouvement pour l’Organisation de la Société Civile).
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