Douce Nuit
par Gilbert
Collard
J’en ai vu un peu partout, des messes de
Minuit : au Tchad, en Egypte, au Liban, au
fin fond de l’Auvergne, dans des églises
froides à faire geler les bénitiers, dans
des chapelles chauffées à faire fondre les
cierges
Jamais messe de Minuit (1) ne m’aura autant
troublé que celle célébrée en l’église de
Vauvert, dans le Gard, où les pèlerins de
Saint-Jacques de Compostelle, autrefois,
faisaient halte et prière, où Saint-Louis
s’agenouilla, où le pape Urbain médita, où
les lourdes pierres se taisent du secret
silence des âmes.
Je m’attendais à la classique messe de Noël
qui annonce la seule nouvelle
révolutionnaire depuis plus de deux mille
ans : la naissance d’un pauvre divin dont
tout le monde parle pour l’aimer, le haïr,
le moquer, l’imiter sans le dire, l’imiter
en le disant, trahi autant par les siens que
par les autres, mais qui est là, langé dans
une mangeoire éternelle de clochard céleste,
pour l’amour, la dignité, et la misère de
tous les hommes. C’est ringard à dire, mais
depuis lui, on se sent moins seul ! |
|
La messe commence. Le prêtre s’installe. Soudain, un groupe bruyant se bouscule dans l’allée centrale ; il figure des touristes, que mène un guide muni d’un porte-voix ; il leur explique qu’il y a longtemps ce lieu servait à la célébration du culte chrétien, mais que les chrétiens ont disparu, faute d’avoir tenu bon, d’avoir cru bon, et que cette église est désormais une curiosité historique ! Cette mise en scène est courageuse ; elle en dit long sur le sentiment d’insécurité des chrétiens. Bravo le curé d’avoir sonné les cloches de la réalité !
Noël disparaît d’Irak. Pour la deuxième année consécutive les chrétiens de Bagdad ne fêteront pas l’anniversaire de la naissance du Christ. A Madalla, près d’Abuja, au Nigéria, la messe de Noël a coûté la vie à trente fidèles. Les chrétiens d’Orient sont persécutés et tout le monde des droits de l’homme s’en fout comme de sa première indignation syndicale. Pas un char BHL en vue ! En France, tout va bien, on fait une petite guerre aux crèches, aux sapins de Noël, à nos traditions, à nos calendriers, à l’occasion on pisse ou l’on chie sur Jésus, pour la plus grande fermentation théâtrale des esprits créateurs et excréteurs. Tout cela n’est pas grave, on ne meurt, pour l’instant, que de rire …
(1)Quand je dis messe de Minuit, c’est une façon de parler, car c’était en réalité la messe de la veillée de Noel, puisque minuit, c’est tard, hors télé, pour les enfants modernes.
Gilbert Collard est avocat au Barreau de Marseille, ancien secrétaire de la conférence et Chevalier des Arts et Lettres. Il est Président du MOSC (Mouvement pour l’Organisation de la Société Civile).
Visitez son blogue en cliquant sur ce lien