Wallonie
2010
"Forcer l'Avenir - Rejoindre la France"
Prendre le taureau par les cornes
L'éveil de la Wallonie
Faut-il empêcher les Wallons de redevenir
Français ? par
Pierre René Mélon - Responsable du RWF- Liège
Vu de France, le conflit des nationalités qui met en péril l’existence
de la Belgique ne suscite généralement que des commentaires timorés,
formatés, prudentissimes, comme si l’esprit de défaite inoculé à
Waterloo continuait à percoler dans l’inconscient collectif de
l’intelligentsia française. Seule éclaircie dans le brouillard du
conformisme, un article retentissant d’Alexandre Adler (Le Figaro
du 28 août 2007) redonnait espoir aux partisans d’une vision renouvelée
de la géopolitique française.
Qu’on permette à un observateur de l’intérieur de présenter ici les
avantages pour les trois parties concernées (France, Wallonie, Europe)
d’un agrandissement pacifique de la France après l’éclatement de la
Belgique.
Tout d’abord, il est vraisemblable que si les Français étaient
consultés, ils ne s’opposeraient pas à l’élargissement de la France à
une région voisine, francophone et amie de longue date. Un sondage paru
dans le Journal du Dimanche du 11 novembre 2007 annonçait que 54
% des Français (66 % dans les département limitrophes) sont spontanément
favorables à une telle évolution. Quant à l’intérêt de la France, il est
évident : augmentation de population (environ 3,5 millions personnes),
adjonction d’un territoire de 16 844 km2 (quatre départements),
élargissement du champ géopolitique avec notamment une nouvelle
frontière avec les Pays-Bas, position privilégiée de la Wallonie dans
l’axe des échanges est-ouest, rééquilibrage du poids français par
rapport à l’Allemagne, renforcement de l’influence française en Europe,
etc.
Pierre René Mélon en compagnie de
Paul-Henry Gendebien à la Fête de Wallonie à Namur
Contrairement aux idées reçues et relayées par une propagande volontairement
défaitiste, la Wallonie n’est pas une Allemagne de l’Est latine : son taux de
croissance en 2006 était de 2,9 %. A l’échelle de la France, le PIB de la
Wallonie la placerait au 8e rang des 22 régions françaises, 5e au niveau de sa
population et 3e en matière d’exportations, juste derrière l’Ile-de-France et la
région Rhône-Alpes. Alors, insupportable, le « poids » de la Wallonie ?
Le
rattachement de la Wallonie n’entraînerait pas forcément un « effet domino » qui
priverait de proche en proche le Royaume Uni de l’Ecosse, l’Allemagne de l’«
Etat libre de Bavière » et l’Italie de la « Padanie »… Soyons sérieux : y a-t-il
une seule chance pour que la Flandre française demande son rattachement à la
Flandre ex-belge ? Aucune. Le pays basque français va-t-il faire sécession ?
Rien ne le laisse présager. Et la Corse ? Elle réaffirme régulièrement sa
volonté de rester dans la République.
De
plus, la nature des minorités nationales dont on redoute l’émancipation n’est
pas comparable avec celle de la Wallonie ou de la Flandre, car la Belgique ne
possède aucun substrat national propre, contrairement à des pays comme la
Hongrie, la Roumanie, l’Allemagne, la Pologne, la Slovaquie, l’Ecosse ou la
Catalogne.
A la
différence de ces nations anciennes, la Belgique est, pour ainsi dire, une vue
de l’esprit : elle a été conçue au XIXe siècle comme une barrière politique
destinée à empêcher la France de retrouver ses frontières héritées de la
Révolution et de l’Empire. Le royaume de Belgique est une singularité de
l’histoire, une espèce de monstre hybride franco-batave, sorti des éprouvettes
des Dr Folamour du Congrès de Vienne (1815), posé sur le limes latino-germanique
comme un couvercle sur une casserole, puis oubliée au coin du feu ; elle est
devenue un Etat-auberge qui abrite provisoirement deux nations : des Flamands et
des Français. Or, personne n’a éteint le feu (les premières revendications
flamandes datent des années 1840) et ce qui mijotait s’est mis à bouillir… L’ «
évaporation » de la Belgique (pour reprendre l’expression délicate de l’actuel
ministre flamand des Affaires étrangères) n’entraînera pourtant d’autre effet
prévisible qu’un retour à la normale, c’est-à-dire une stabilisation du cœur de
l’Europe ; à une condition : que la crise belge se résolve par la création
subséquente d’une république flamande et la réintégration de sa partie française
dans la République (après la possible étape d’une « Belgique résiduelle » qui ne
remplirait, soit dit en passant, aucun des critères de convergence européens).
Quant
à l’argument du « mauvais exemple », il frise le ridicule. En 1789, la France ne
devait sans doute pas non plus montrer le mauvais exemple aux autres nations
européennes… Fallait-il renoncer à la République pour ne pas contrister les
monarchies et principautés voisines ? L’Allemagne a-t-elle montré le mauvais
exemple en récupérant sa partie orientale ? La Tchécoslovaquie a-t-elle montré
le mauvais exemple en se scindant pacifiquement en deux ? Et la Norvège
s’émancipant de la Suède ? Et la Grèce se libérant du joug ottoman ? L’histoire
irait à sens unique ? Et la France serait le seul pays à « montrer le mauvais
exemple » si elle récupère ses territoires amputés en 1815 ?
Qu’on
me permette ici de déplorer la permanence d’un certain souverainisme français
nostalgique de sa propre monarchie et admirateur du sympathique royaume de
Belgique qui aurait su maintenir les charmes du trône et de l'autel quand ces
mécréants de républicains s’en détournaient brutalement. Or, les Saxe-Cobourg et
Gotha ne sont ni les Capétiens ni les Bourbon : ce sont les rois qui ont fait la
France, mais c’est la Belgique qui a fait le roi. La Belgique du XXIe siècle
n'est donc pas une France en miniature qui aurait échappé par miracle aux affres
de la Révolution. Le petit royaume conçu à Londres en 1831 était une
construction anti-française dirigée par un roi luthérien, anglophile et
franc-maçon, qu’on pria de régner sur des populations catholiques et une élite
francophile.
Les
178 ans passés ont vu la lente et légitime renaissance de la nation flamande à
l’intérieur de l’utérus belge, mais rien n’a changé au fond : au cœur même du
royaume, la Belgique aujourd’hui flamandisée continue à jouer son rôle de tampon
en luttant de son mieux contre toute influence française extra-hexagonale (au
contraire des flux anglo-saxons parfaitement perméables). Le mouvement
régionaliste wallon et une certaine euro-bruxellisation des esprits faisant
office de pare-choc ou d’isolant thermique, pour ainsi dire.
Que
faire donc après la Belgique ? D’abord laisser tomber ses œillères, se libérer
des schémas médiatiques et se dresser contre un certain esprit de soumission que
j’appellerais le « complexe de Waterloo ». Bref : oser renverser la vapeur.
La
France doit intégrer la Wallonie pour retrouver confiance en elle-même, résister
aux déconstructeurs de la nation et contribuer ainsi à une refondation de la
construction européenne. Il faut savoir que pour les idéologues de l’Europe
métanationale, le « Belge » est le chouchou de la nomenklatura européenne (c’est
lui qui porte la mallette du prof) ; le bon élève est donc aussi prié d’être un
exemple « d’unité dans la diversité », de « multiculturalité harmonieuse », il
doit être le « laboratoire de l’Europe », le « carrefour des peuples », etc.,
etc. Pour les eurocrates, scinder la Belgique, c’est insulter le modèle de cette
Europe fourre-tout (qui ne veut reconnaître ni ses frontières, ni ses
fondements), c’est casser le moule, c’est briser les éprouvettes. C’est,
finalement, risquer de donner aux nations le mauvais exemple de la liberté des
peuples.
On
comprend mieux les charitables admonestations du premier ministre luxembourgeois
et les « inquiétudes » de la Commission européenne sur le sort futur de leur
cher Etat-labo. La Belgique est ainsi devenue la ceinture de chasteté d’une
Europe revirginisée, indemne de toute luxure nationale, en somme une Europe
Société Anonyme, abstraite et universaliste, dont la capitale, Bruxelles, serait
un compromis entre hall de gare, foire commerciale et tour de Babel.
Finalement, on en revient toujours à la même question. Essentielle. Dérangeante
: à quoi servent les nations, et singulièrement : à quoi sert la France ?
Réponse : à montrer l’exemple. Et ici, nous devons bien sortir les grands mots :
la France doit, seule contre tous s’il le faut, montrer l’exemple de la liberté
et de la dignité des hommes en s’opposant à la capitulation des nations et à ses
conséquences directes : la tribalisation de l’humanité et la marchandisation de
l’homme.
Si la
France a encore une raison d’exister, c’est celle-là. Oser se dresser contre
l’irrémédiable. Montrer la voie. Car entre l’Europe supranationale et la
sous-région, entre l’empire et la tribu, seule la nation protège le citoyen, le
fait grandir, l’émancipe. Voilà la vraie vocation d’une Europe humaniste. Cette
vocation est aussi celle de la France : vocation à forcer les passages et à
franchir les barrières, qui constitue ce que de Gaulle appelait la « grandeur de
la France ».
Comprenons-nous bien. Cette grandeur n’est pas une forme de vanité collective
ni une variante d’autres messianismes politiques plus ou moins délirants. Elle
n’est pas non plus l’expression d’une volonté impériale frustrée de son passé.
Non. Cette grandeur-là est une prise de distance, une mise en surplomb, une
vision d’en haut d’où procèdent naturellement humilité et liberté. Humilité de
se savoir petit dans l’univers (1 % de la population humaine), humilité des
défaites, humilité des déchirements internes ; mais aussi liberté d’assumer un
destin singulier, parce qu’à mesure où l’esprit s’élève, les perspectives
historiques se précisent et forcent le devoir d’enfreindre. D’enfreindre quoi ?
Les fausses évidences : « ne pas entraver la construction européenne » ; les
soi-disant équilibres (réels ou imaginaires) : « attention à l’effet domino » ;
les implacables contextes : « le marché, l’Europe, l’OTAN, l’ONU… »
Où
veux-je en venir ? Quel rapport avec la Wallonie française ? Voici. Si la France
veut se prémunir contre le tropisme anti-national, et donc anti-européen, elle
doit se renforcer en s'adjoignant la Wallonie. Attendre un hypothétique
réajustement spontané du système bruxello-européen (qui tourne de toute façon à
vide, car il est déconnecté des peuples), c'est accepter de se soumettre sans
certitude de s'en remettre. Si la France se soumet aux règles du politiquement
correct européen, elle ne s’en relèvera pas. Et son destin sera celui d’une
section européenne de l’internationale libre-échangiste.
En
plus de son intérêt bien compris, la France a donc le devoir, le droit,
l'obligation politique et morale de s'adjoindre la Wallonie ! Ce renforcement de
la République sera sans doute l’élément déclencheur d’un regain de confiance des
Français en eux-mêmes et d’une volonté renouvelée d’entreprendre, car leur pays
aura posé un acte de souveraineté exemplaire. Comment n’en sortiraient-ils pas
grandis ? Et comment les autres Européens, à leur tour, n’en prendraient-ils pas
de la graine ? Car cette manifestation de la volonté nationale sonnera aussi, on
peut l’espérer, le réveil des peuples endormis. Or, c’est justement ce réveil
des peuples que craignent les eurocrates ! Comme le souligne justement
Paul-Marie Coûteaux, « ce fut le sortilège du gaullisme que de montrer que, plus
la France se distinguait et osait affronter les puissants, plus elle se
découvrait d’alliés – et plus ses alliés étaient conduits à la respecter… » (L’Europe
vers la guerre, p. 299).
En
somme, intégrer ou non la Wallonie sera pour la France un véritable test
grandeur nature de sa capacité à s'affirmer face aux dictats d’un
supranationalisme calibreur de cultures et aplanisseur de nations. Non seulement
pour elle-même, mais aussi pour l’Europe dont le destin n’est pas de devenir un
magma mais de former une mosaïque.
Puisse-t-elle
ne pas laisser passer cette chance !
Pierre
René Mélon,
décembre 2007
Il
nous est apparu évident que ce texte publié en 2007 était d'une pertinence
totale en réponse aux interrogations de certains Wallons et c'est pourquoi, nous
le republions tel quel aujourd'hui !