Wallonie
2010
"Forcer l'Avenir - Rejoindre la France"
Prendre le taureau par les cornes
L'éveil de la Wallonie
Le plan B ou W est une chimère !
Le mouvement wallon strictement régionaliste est mort et enterré. Cela
ne date pas d’aujourd’hui. Il n’en faut pas moins comprendre pourquoi et
comment les velléités d’autonomisme – à l’intérieur ou à l’extérieur du
cadre belge – sont hors de propos et inappropriées.
L’émergence du fédéralisme à partir des années 1980 a enlevé sa
substance au mouvement wallon. Après les occasions manquées de 1945,
1950 et 1961, il avait révélé ses limites. Incomplet dans ses objectifs,
il manquait de radicalité dans ses méthodes. Il marchandait de petites
étapes, il se contentait de peu, de trop peu, n’obtenant qu’au
compte-gouttes les moyens nécessaires pour corriger les effets d’une
désindustrialisation désastreuse, une désindustrialisation qui laissait
de marbre le pouvoir belge. Plus grave encore, la Belgique montrait
qu’elle n’avait aucun projet pour la Wallonie.
Dès lors, le drame historique du mouvement wallon fut de n’être qu’un
courant régional dépourvu d’ambition nationale, en face d’un mouvement
flamand qui se posait comme national avec une vocation étatique.
Logiquement, le mouvement wallon s’est étiolé parce qu’il avait obtenu ce qu’il
avait négocié, à savoir l’apparence d’un pouvoir. Victime en quelque sorte de
son succès, il essaimait entre 1970 et 1980 dans toute la superstructure
politique suite aux pressions conjointes du Rassemblement Wallon, de la FGTB
liégeoise, de la tendance Cools-Dehousse au sein du PS. Mais cette victoire fut
payée chèrement : le fédéralisme fut digéré et récupéré par le système des
partis, par l’appareil d’État, par la monarchie elle-même. Quant à la résurgence
d’un courant néo-régionaliste aux alentours de 1985-1988, avec « Wallonie Région
d’Europe », elle fit long feu : le PS « racheta » et réintégra avec habileté et
cynisme la mouvance happartiste, contournant du même coup le volontarisme et
l’espérance wallonne qu’avaient incarné les Ministres présidents Spitaels et
Collignon.
La «
normalisation » par le PS du mouvement wallon avait été facilitée parce que
celui-ci manquait d’objectifs clairs et ambitieux, et notamment : miser en
priorité sur une réindustrialisation de l’économie wallonne, créer un sens de
l’État, charpenter un espace politique et culturel commun, réanimer une
démocratie. Au lieu de quoi on sombra dans le clientélisme de chefs de village,
le lotissement de la fonction publique, le saupoudrage des crédits, etc. Nous le
payons collectivement aujourd’hui, même si on note des embellies sectorielles ou
sous-régionales. La stagnation reste notre loi. Le PIB wallon actuel, selon les
statistiques officielles de la Commission européenne, n’atteint que 84 points en
regard d’une moyenne européenne égale à 100.
Il
affiche 31 points de retard par rapport à la Flandre (115) et même10 points de
moins que la Grèce (94) ! Le Hainaut se traîne à 76 points, à peine mieux que
les régions pauvres du Mezzogiorno italien. La Wallonie de M. Marcourt n’a pas
la capacité, simultanément, d’investir massivement dans l’avenir, de contrôler
sa dette, de prévenir la fin annoncée de la solidarité flamande.
La
Wallonie ne gagnera pas – en tous cas, dans les temps qui lui sont impartis – la
course de vitesse entre son propre redressement et l’impatience mortifère de la
Flandre. Des économistes sérieux, et parmi eux Jules Gazon, professeur émérite
de l’ULG, ont indiqué clairement la non-viabilité économique de la Wallonie.
Ayons
le courage de la lucidité : les prochaines élections donneront aux nationalistes
flamands – N-VA et autres – un droit de vie et de mort sur l’État belge. Déjà
les hymnes à la gloire des accords « historiques » de 2011 se sont tus : il n’y
avait là qu’une dernière cigarette du condamné…
La
question est tranchée : longtemps, je me suis fait une « certaine idée de la
Wallonie » et je n’en ai pas changé. J’y ajoute la juste conviction qu’on ne
peut pas faire, comme Wallon et comme francophone, l’impasse sur Bruxelles. Ce
serait jeter celle-ci, sottement, dans les bras de la Flandre ou d’un improbable
district européen : une billevesée sans avenir.
Sans
refus bruxellois, l’intérêt wallon est de ne pas séparer Bruxelles et la
Wallonie à la veille de la succession d’État, et encore moins si on veut
dessiner pour elles un avenir solidaire, un destin qui chemine du même pas.
Il n’y
a pas non plus de solution mitoyenne qui s’inscrirait entre le néo-belgicisme et
la fin programmée de l’État. Le confédéralisme, par exemple n’est qu’une
chimère.
De
même, l’indépendance de la Wallonie d’une part et de Bruxelles d’autre part ne
sont que des leurres. Aucun des deux ne pourrait s’assumer financièrement, mais
de surcroît une conjonction « wallo-bruxienne » ne serait pas plus vaillante :
deux canards boiteux économiques, en se mariant, n’engendreraient pas un
volatile gracieux et puissant. Un État indépendant « Wallonie-Bruxelles »
s’écroulerait avant même que d’être créé, victime de sa non-crédibilité aux yeux
des marchés internationaux. Enfin, cet État confetti serait la proie de conflits
frontaliers avec la Flandre. Fondamentalement, il n’aurait pas la volonté de se
battre pour subsister, car dépourvu du minimum vital, à savoir la consistance
nationale qui continue de fonder tout État moderne.
Ne
perdons pas de vue ce qui nous attend : la sixième réforme de l’État – si elle
est mise en œuvre – créera en Flandre un appel d’air irrépressible pour aller
beaucoup plus loin vers la dislocation du pays. Par conséquent, il est impératif
de préparer l’avenir au départ des exigences suivantes :
Nous
avons depuis longtemps dépassé le « momentum » et l’opportunité d’un
hypothétique néo-régionalisme wallingant évoqué par certains. Ceux-ci retardent
de vingt ou trente ans ; ils viennent comme moutarde après dîner, c’est-à-dire à
contretemps et en courant le risque énorme de diviser les francophones ou
d’offrir gratuitement des armes à l’autonomisme bruxellois le plus réactionnaire
et le plus irresponsable. En outre, le courant néo-wallingant est fantomatique,
car il n’est pas porté par des forces sociales, intellectuelles ou politiques
significatives.
Si nous
ne pouvons pas et ne devons pas casser l’axe Wallonie-Bruxelles, nous devons
cependant veiller à éviter la « fusion-confusion » entre nos deux régions,
solidaires certes, mais distinctes.
Notre
pensée stratégique et notre action prospective doivent se situer dans la
perspective d’un destin commun. Un Plan F plutôt qu’un Plan B s’imposera
finalement comme le seul susceptible d’intégrer nos deux régions dans un seul et
même État digne de ce nom: la République française.
En
conclusion, le vieux régionalisme wallon a eu sa grandeur et son utilité. Mais
les temps ont changé : il n’a plus de sens dans un État belge en pleine
décomposition, et face à un avenir économique inquiétant et une Europe en forme
de point d’interrogation.
Un
autre mouvement wallon apparaît, ou plutôt réapparaît : celui qui exprima son
aspiration française dès 1830 et qui fut confirmé à l’occasion du grand Congrès
wallon de Liège en 1945.
Il y a
là une fidélité plus lumineuse que celle qui s’attacherait à un repli
suicidaire.