Messieurs les Allemands
Sortez les premiers!
" Messieurs les anglais tirez les
premiers ". C'est lors de l'épisode de
la bataille de Fontenoy (en 1745), que ce
mot fameux aurait été prononcé.
Dans notre Europe moderne nous avons depuis
quelques décennies su faire taire les armes
et les canons. C'est bien sur le principal
succès de l'Union Européenne. C'est
d'ailleurs ce succès et cette connaissance
historique partagée par tous des affres des
guerres qui ont ravagé notre continent
pendant des siècles qui rend dans l'esprit
de tous indépassable l'idée de construction
européenne.
Pourtant, pourtant, l'année 2012, pourrait
être celle où l'ensemble des européens
demandera à nos amis allemands de sortir les
premiers de l'euro. |
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"L'euro
est une construction Politique. Pas économique.
La monnaie
unique a été créée et pensée il y a presque vingt ans. A l'époque
et, c'est important de le rappeler, le Mur de Berlin vient de
s'effondrer. La France, inquiète, voit poindre le danger d'une
grande Allemagne réunifiée. François Mitterrand, alors Président de
la République, reste avant tout un homme de la deuxième guerre
mondiale. Il n'aura de cesse que d'arrimer l'Allemagne à la France,
à moins que ce ne soit le contraire, afin de rendre le destin de nos
deux nations indissociable. La monnaie unique est un peu comme une
corde reliant plusieurs alpinistes mais qui ne pourrait pas être
coupée en cas d'accident. Dès lors, si l'un des membres de l'euro
tombe, toute la cordée sera entrainée dans la chute.
L'euro est une
monnaie économiquement Allemande, mais de construction Politique
française.
Le Président
Mitterrand a donc négocié l'aide et le soutien de la France à la
réunification Allemande contre l'adhésion de l'Allemagne à l'euro en
échange de quelques critères de bonne gestion financière (les
célèbres critères de Maastricht) oubliés par tous (y compris nos
camarades allemands) depuis bien longtemps. Il ne faut pas oublier
la décision politique prise à ce moment là par le Chancelier
Allemand de l'époque Helmut Kohl. Ce dernier a décidé de convertir
la monnaie des allemands de l'Est au prix de la monnaie de l'Ouest.
En clair un Deutsch Mark (RFA-ouest), valait un Ost Mark (RDA-Est).
L'Allemagne n'avait pas l'argent nécessaire bien sur pour convertir
cette masse monétaire nouvelle sur la base de 1 pour 1. Une telle
conversion n'avait d'ailleurs aucun sens économique. L'Ost Mark
valait plutôt dix fois moins d'un Deutsch Mark. Là encore l'idée
était Politique. Il s'agissait d'affirmer la réunification du peuple
allemand, et qu'un Allemand de l'Ouest "valait" un Allemand de
l'Est.
N'oublions pas
qu'hier comme aujourd'hui les Allemands ont toujours refusé la
notion de monétisation. Les allemands n'ont pas imprimé les Deutsch
Mark nécessaires. Ils les ont emprunté sur les marchés. Ce faisant
ils ont asséché le marché monétaire, provoqué une hausse massive des
taux d'intérêt, à l'origine de la récession et de la crise
économique des années 90 à 95. Nous avons tous payés le prix de la
réunification allemande en Europe et particulièrement la France.
Mais l'adhésion de l'Allemagne à l'Euro était à ce prix.
L'Euro un
"OGM" qui n'est pas viable.
Reprenons.
L'euro est donc une construction politique et pas économique. C'est
une monnaie unique, pour 17 peuples différents, 17 langues, et
surtout 17 économies hétérogènes. Car le problème génétique de
l'euro, c'est qu'il s'applique à 17 économies qui sont profondément
différentes. L'idée de l'euro est très belle, comme celle de la
construction européenne. Pour toute personne saine d'esprit la
construction européenne est une évidence. Néanmoins, en économie la
beauté des choses n'est que de peu d'importance. La réalité c'est
que les déséquilibres économiques de nos 17 pays ne peuvent plus
désormais trouver de résolution qu'à travers des ajustements
monétaires, qui restent la seule et unique solution économiquement
viable. Non et cent fois non, le fait de mettre un pays à l'amende
car il ne respecte pas son budget ne changera jamais rien à la
structure de l'économie de ce pays, qui devra emprunter plus pour
payer une amende (pour mémoire il existe déjà les "procédures pour
déficits excessifs).... Non et cent fois non, effectuer un contrôle
budgétaire européen ne changera rien aux forces et faiblesses
intrinsèques d'une économie nationale... Non et cent fois non de
nouveaux traités ne changeront rien au "stock" de dettes déjà
existant... Non et cent fois non, la rigueur ou l'austérité ne
peuvent constituer l'alfa et l'oméga d'une politique économique (ce
qui ne veut pas dire que ce n'est pas indispensable).
La fin du
"Business Model" des Etats Providence.
Soyons
sérieux. Les états européens, en particulier français, sont bâtis
sur l'idée d'état providence. La "providence" est un mot qui
signifie que
le cours des événements est issu de l'action bienveillante d'une
puissance divine (généralement
Dieu).
En l'occurrence la puissance divine qui veille sur nous de la Crèche
au Cimetière c'est l'Etat. L'Etat qui à travers les allocations
familiales paiera l'essentiel des frais de garde de nos jeunes
enfants, l'Etat qui veillera sur nos vieux jours à travers les
pensions de retraite et aux maisons du même nom. Nous naissons à la
crèche pour mourir à la maison de retraite. Entre temps, en cas de
maladie la sécurité sociale veille sur vous, un incident de parcours
professionnel, les ASSEDIC et maintenant le Pôle emploi se chargent
de vous, quand il n'y a plus d'espoir, et que le marché du travail
vous est définitivement fermé, le RSA (RMI nouvelle formule) prend
le relais. Un problème de logement, le parc HLM et les aide au
logement sont là pour vous. Partout, à tous les niveaux les
"amortisseurs sociaux" sont là.
Il ne faut pas se leurrer. La fin du business model de l'Etat
providence, signifie la fin programmée et inéluctable de l'ensemble
de ces aides. C'est cela la rigueur sans la planche à billets pour
l'adoucir.
Or la société française par son hétérogénéité ne pourra en aucun cas
supporter une cure d'austérité à la grecque. Cela est impossible.
Nos zones sensibles et nos banlieues (difficiles) vivent pour
beaucoup des aides publiques et de la solidarité nationale. A cette
problématique financière se rajoute depuis maintenant quelques
années des problématiques communautaristes évidentes. Lorsque les
tensions s'exacerbent, l'histoire humaine prouve que les modérés ne
l'emportent jamais.
Les fragilités de la société française ne sont pas les fragilités de
la société allemande. Pour notre pays, le coût social d'une
austérité brutale risque d'être insupportable et de mener à des
problèmes intercommunautaires insurmontables.
Je vous
conseille la lecture de l'extraordinaire rapport officiel 2011 de
l'Observatoire des Zones Urbaines Sensibles, éclairant sur la
réalité sociale de notre pays et donc sur nos fragilités.
http://www.ville.gouv.fr/IMG/pdf/rapport_onzus_2011.pdf
La sortie de
l'Allemagne serait la meilleure solution.
L'Allemagne ne souhaite pas amoindrir (pour le moment) le choc de la
rigueur par un recours, ne serait-ce que modéré, à la planche à
billets c'est-à-dire à la monétisation. Dont acte. La ligne rouge
allemande est celle de la création monétaire, menant bien souvent à
l'inflation puis à l'hyperinflation. Ce point de vue est
économiquement fondé. Le traumatisme allemand de l'hyperinflation
des années 20 ayant mené à l'avènement du nazisme est toujours
vivace dans les esprits d'outre-Rhin. Cela est parfaitement
respectable.
La ligne rouge française doit être impérativement celle de la
stabilité sociale. L'austérité ne peut être que progressive sous
peine de prendre le risque de déclencher des émeutes d'une rare
violence. Nous ne pourrons pas mener chez nous une austérité
crédible c'est-à-dire massive et brutale. L'utilisation de la
planche à billets est inéluctable. Ce n'est qu'une question de
temps. Il en est de même pour l'Italie, l'Espagne, ou la Grèce (mais
pour d'autres raisons).
La conclusion est implacable. En cas de persistance de ces
désaccords, nous devrons mettre fin, par la force des choses à
l'aventure de la monnaie unique. La meilleure solution serait alors
la sortie du maillon fort de l'euro qu'est l'Allemagne. Messieurs
les Allemands sortez les premiers!
Le coût économique d'une telle solution serait certainement le plus
supportable parmi les "mauvaises solutions" pour sortir
définitivement de cette crise monétaire. Une sortie de l'Allemagne
de la monnaie unique ne lui couterait pas plus cher que la
réunification. Cela lui couterait également bien moins cher que de
se "porter caution" pour l'Europe entière. Enfin, une dette en euro
"faible" remboursée en nouveau Marks "forts" permettrait d'amoindrir
le coût (important) de la dette allemande.
Nous devons accepter de dépasser nos limites. L'euro n'est plus une
limite. Seule la stabilité de nos nations respectives sur le long
terme permettra la poursuite d'une construction européenne durable.
Nos élites se trompent. La fin possible de l'euro est en réalité,
une chance immense pour un nouvel élan européen bâti sur une
adhésion populaire et démocratique.
Charles SANNAT
Directeur des Etudes Economiques Aucoffre.com
Professeur d'Economie Internationale
contact:
sannatcharles@yahoo.fr
Publié avec l'aimable autorisation de l'auteur |