Wallonie 2010

"Forcer l'Avenir - Rejoindre la France"
 

 
 
 

Prendre le taureau par les cornes



L'éveil de la Wallonie












 

 


Les propositions en 2006 de Paul-Henry Gendebien ? Plus que jamais d'actualité !
 

Je ne connaîs pas Paul-Henry Gendebien, mais il mérite mieux que le semi anonymat dans lequel il est retombé et la caricature que l'on fait parfois de ses propos. Du moins si j'en juge par la lecture de son dernier petit livre
"Belgique : le dernier quart d'heure ?".

Il n'y a pas grand chose à ajouter à sa brillante étude de la Wallonie : "L'essentiel, c'est que le système reste en place" ou encore "La démocratie, c'est la révocabilité du pouvoir. En Wallonie le pouvoir n'est plus révocable!". Son analyse de "L'échec historique du fédéralisme belge" est également assez lucide et parfois cruelle. "La barrière francophone était en papier mâché ". On le suit jusqu'à la page 134, puis on tombe dans le plaidoyer pour le rattachement à la France et le RWF qui fait notamment l'impasse sur l'intérêt économique qu'aurait la Wallonie à se rattacher à la France. Certaines de ses 17 propositions pour une "citoyenneté républicaine" rejoignent celle de "Démocratie ou particratie : 120 propositions pour refonder le système belge" et mériteraient d'être au moins discutées.

A mon avis, la meilleure analyse récente du fonctionnement de notre système. On en recommande vivement la lecture.

Alain Destexhe - 26 mai 2006
Extrait de son blogue 
Alain Destexhe & Co

 



1.
La Wallonie doit élire son ministre-président au suffrage universel direct à deux tours, selon le modèle de la Cinquième République.
Le gouvernement wallon et son chef se verraient ainsi conférer une vraie légitimité populaire et une meilleure autorité pour affronter les difficultés économiques. Leurs poids augmenteraient dans les pourparlers qui mettront un point final à la crise belge. Aujourd'hui, la légitimité principale du ministre-président lui vient de sa désignation par son chef de parti, voire de son autoproclamation... Choisi par les citoyens, il serait vraiment le porte-parole et le garant des intérêts wallons. Il pourrait plus aisément s'élever au-dessus des intérêts partisans et locaux. L'élection directe conduirait à un vrai débat sur les projets de société et le programme du gouvernement. Elle ouvrirait le jeu en permettant à un non-socialiste, éventuellement, d'être élu. Enfin, elle accoutumerait les Wallons aux institutions de la France, dont ils relèveront demain ou après-demain.

2. La Wallonie doit rénover son mode de scrutin pour l'élection du Parlement wallon.
Elle pourrait opter pour le système majoritaire uninominal à deux tours. Soit l'élection des 75 députés régionaux dans 75 circonscriptions. Un élu par territoire : cela signifie un élu plus visible, plus responsable, que l'on pourra sanctionner au scrutin suivant. Ce mode de sélection subit moins l'influence des appareils particratiques. Aujourd'hui, les partis choisissent souvent leurs candidats en fonction de critères tels que leur discipline présumée, leur notoriété plus ou moins populiste, voire leur hérédité familiale. Certes aucun système électoral n'est parfait mais celui-ci favorise incontestablement les candidats qui possèdent une envergure suffisante pour s'imposer au premier tour ou pour rassembler au-delà de leur camp au deuxième tour. Elle donne une meilleure chance de faire émerger une droite et une gauche cohérentes et de parvenir à des alternances gouvernementales dignes de ce nom.

3. La Wallonie doit pouvoir organiser des référendums sur les très grandes options politiques.
Promise depuis plus de 10 ans par les libéraux, cette réforme ne sera jamais mise en œuvre au niveau belge parce que le Palais royal, et les partis chrétien et socialiste, n'en veulent à aucun prix, échaudés par le  « mauvais » souvenir de la consultation populaire de 1950. Quitte à en définir strictement les conditions, la Wallonie doit décider elle-même de cette réforme en s'inspirant des divers modèles européens. Continuer à refuser ce progrès serait faire preuve de méfiance excessive à l'égard du peuple.
Au 19e siècle, le pouvoir n'acceptait pas le suffrage universel parce qu'il craignait ceux qui faisaient partie, disait-on, des « classes dangereuses ». En 2006, les peuples sont-ils toujours des classes dangereuses ?

4. Il faut réduire à cinq le nombre de ministres de la Région wallonne, et parmi eux nommer au moins deux femmes.

5. Les cabinets ministériels seront supprimés et remplacés par des cellules légères ne pouvant en aucun cas compter plus de dix personnes.

6. Il sera désormais interdit d'exercer une fonction ministérielle pendant plus de deux législatures.

7. Prohibitio n de tout cumul de mandats politiques.

8. Impossibilité de se faire élire dans une Assemblée et de siéger dans une autre.

9. La Wallonie doit installer une Cour des comptes régionale en vue du contrôle systématique des finances de la région, des communes, des provinces, des intercommunales...
Cette Cour doit être constituée d'experts totalement indépendants.

10. Pour la minorité germanophone, il serait judicieux de créer une circonscription électorale distincte d'Eupen-Saint-Vith avec élection de deux députés régionaux.
La Wallonie a tout intérêt à préserver ses relations avec la minorité allemande, trait d'union entre les mondes français et germanique. Il en résultera aussi davantage de clarté et de sérénité politiques dans l'arrondissement de Verviers.

11. Il faut repolitiser - au sens convenable du terme - les Wallons, à savoir leur rendre de l'intérêt pour la politique, avec l'aide de l'école, des associations, des médias.
La classe politique s'y emploiera elle-même en se comportant de manière responsable. Pour reconstituer le lien social, il importe de rétablir un civisme actif. Et de prendre conscience qu'il y a des interférences entre l'individualisme, l'hédonisme, la brutalité de la société. Enfin, il conviendra que les ASBL subventionnées rendent des comptes précis quant à l'usage des fonds publics mis à leur disposition.

12. Une réforme de la RTBF.
La radio-télévision officielle est de moins en moins un service public et de plus en plus un « service au service du pouvoir ». Agent numéro un du régime, c'est l'instrument de propagande privilégié des partis traditionnels et des gouvernements. C'est aussi une machine qui pour l'essentiel se définit comme belgicaine, monarchiste et non wallonne. C'est le temple du politiquement conforme et du culturellement correct. À terme, et en veillant à garantir les droits du personnel, elle sera remplacée par France 3 Wallonie et France 3 Bruxelles. Dans l'immédiat, les mesures suivantes doivent être décidées :

- suppression des administrateurs nommés par les partis et création d'un Conseil d'administration composé de personnalités compétentes et de représentants des milieux culturels et d'associations telles que la Ligue des Familles ;

- remplacement de la deuxième chaîne par un bouquet de chaînes wallonnes et bruxelloises ;

- libération des télévisions communautaires locales de la tutelle quasi féodale des partis

- reconstitution d'un Conseil supérieur de l'Audiovisuel véritablement indépendant des partis.

13. Un service civil pour les jeunes entre 16 et 25 ans (garçons et filles)
aiderait à « resocialiser » une jeunesse à laquelle on ne propose le plus souvent que le choix entre deux pistes : soit l'exclusion sans espoir, soit la réussite matérielle et individuelle à tout prix et dans un esprit de compétition et de rivalité. Ce service civil serait consacré à des activités encadrées telles que : entretien de la nature et de l'environnement de proximité, cours de secourisme et apprentissage des institutions, aide aux personnes âgées ou isolées, aide aux services de lutte contre l'incendie, cours de langue aux jeunes immigrés, encadrement des adolescents,...


14.
Toute la société wallonne doit renouer avec les valeurs de la citoyenneté, qu'on appelle valeurs républicaines en France.
Elles devraient être chères au cœur des Wallons puisqu'elles fondèrent leurs luttes politiques et sociales depuis plus de deux siècles. Elles sont positives et modernes. Elles permettent de concilier la liberté et le progrès social, les libertés et l'ordre public. Elles fondent la sécurité comme un droit pour tous et en particulier pour les plus fragiles dans la société.

Ces valeurs sont :
- la priorité à l'intérêt général et à la solidarité ; la nécessaire initiative des individus ne peut devenir concurrence exacerbée et inhumaine, les droits sociaux ne doivent pas être alloués comme s'ils étaient des faveurs clientélistes, tous les groupes et intérêts, tous les âges de la vie doivent participer à la solidarité générale en fonction de leurs capacités et de leurs moyens;
- l'égalité de tous devant la loi, l'accès égal aux fonctions publiques ;
- l'unité de la société contre les particularismes de toutes espèces : c'est le choix de l'intégration culturelle, et sociale contre les communautarismes qui entretiennent les différences et créent les ghettos ; la mise en valeur des différences par leur juxtaposition introduit le règne des clans, des « tribus » et des quotas, menaçant la citoyenneté.

15. La Wallonie doit garantir et approfondir la séparation des Églises et de l'État.
Les choix philosophiques et religieux sont une question privée et les pouvoirs publics doivent respecter ce fait : c'est ce qu'on appelle la « séparation des Églises et de l'État », dans l'intérêt de tous. C'est la tolérance positive ou la laïcité, par opposition à la guerre des religions ou à la guerre scolaire pour motifs religieux. La laïcité à la française, c'est la garantie et la protection apportées par l'État au libre exercice des cultes dans la sphère privée. On peut aussi parler de neutralité politique des religions et de neutralité religieuse de l'État. C'est pourquoi il faut avoir le courage de réglementer avec clarté le port de signes religieux ostensibles et provocants, dans les écoles, les hôpitaux, les administrations... Une loi, ou un décret, est donc nécessaire car le pouvoir politique ne peut pas se défiler ni laisser aux établissements la responsabilité de décider eux-mêmes en cette matière. Les autorités feraient ainsi preuve de lâcheté. À noter qu'il ne s'agit ici nullement d'une quelconque discrimination à l'égard de telle ou telle religion, ni d'un type d'enseignement, ni d'un groupe humain. Au contraire c'est un gage de bonne intégration, d'égalité et de paix civile.

16. La démocratie bruxelloise, elle aussi, a besoin de réformes.
Sans vouloir abolir le statut de région, il faut remettre en cause le prétendu « modèle » bruxellois. Ce modèle est aberrant: Bruxelles est gouvernée comme si elle était composée de deux communautés d'importance numérique égale. Et il est coûteux pour le contribuable du fait de la multiplication invraisemblable des institutions et des mandats qu'elle engendre.

Une simplification radicale des institutions s'impose:
- une seule assemblée (au lieu de quatre si on compte les commissions communautaires) ;
- réduction de moitié du nombre des députés régionaux (89 actuellement) ;
- suppression de la double majorité et du droit de veto ;
- fin du caractère obligatoire de la quasi-parité au sein du gouvernement;
- remplacement de la commission communautaire flamande par un organisme administratif;
- élection directe du ministre-président au suffrage universel à deux tours.

Ce qui précède ne remet pas en question l'existence d'une minorité flamande à Bruxelles. Il faut reconnaître pleinement les droits individuels des Bruxellois flamands à utiliser le néerlandais dans leurs relations avec l'administration et la justice, ainsi qu'à bénéficier d'un enseignement à tous les niveaux et d'une vie culturelle et sociale dans leur langue. Ces droits pourront être garantis par un accord de coopération avec la Flandre, fondé sur le principe de l'égalité des parties, la réciprocité et le bon voisinage.

Enfin, il va de soi que le siège des institutions politiques de la Flandre ne peut être fixé hors de son territoire. La région flamande est donc invitée à rapatrier ce siège en Flandre.

17. La réforme par excellence, la plus nécessaire et la plus difficile sans doute, est celle qui se produira dans les mentalités :
il s'agit de rendre les Wallons plus critiques et plus indépendants. Eux seuls peuvent y parvenir. Tant qu'ils ne se décident pas, en très grand nombre, à refuser le clientélisme dégradant qui leur est imposé, leur région conservera son image suspecte de république bananière.

C'est dans les têtes, il faut le répéter, que se produira l'inversion culturelle.

Les Wallons devraient y réfléchir à deux fois avant d'envoyer à leur Parlement régional une majorité de chefs de village, figures tantôt joviales et familières, tantôt menaçantes et cyniques. Ils doivent comprendre que sous l'apparente quiétude des soirées boudin-compote ou des courses cyclistes, quelque chose de diffus et de peu rassurant est en train de ronger le meilleur des mondes, quelque chose qui pourrait bien être la perte de « l'ex-paradis belge », un chômage de masse record qui ne serait plus compensé par des allocations suffisantes.

Dans leur crainte de l'abandon, les Wallons croient pouvoir soigner la disparition de la Belgique par l'exigence de plus de Belgique; mais ils ne saisissent pas que cela reviendra à entretenir la maladie qui afflige l'État. Car la Flandre a déjà résolu de se passer de la Belgique. Quand les Wallons et les Bruxellois s'emploient à préserver celle-ci, ils risquent de vouloir maintenir en vie un État qui n'a plus, du fait de sa majorité flamande, la volonté de continuer son existence.

Wallons et Bruxellois, encore un effort : soyez politiques avant d'être sentimentaux.
À vous la culture de la liberté et de la responsabilité.


Paul-Henry Gendebien, Belgique, le dernier quart d’heure ?, Labor, 2006,
pp. 142-151



Article paru sur le site officiel du RWF

 

 

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Dernière modification : 26 septembre 2011