La médiocrité profonde et sinistre du débat
public, l'incurie gouvernementale en face des
« vrais problèmes », les menaces sérieuses de
désordre politique, voire d'anarchie autour du
dossier bruxellois, devraient inciter nos
responsables à ouvrir enfin les yeux. Le
fédéralisme belge est un échec historique. Il
faut négocier le plus rapidement possible un
divorce civilisé, à l'amiable, avec les
garanties internationales nécessaires. En
prenant la tangente, M. Van Rompuy aura
involontairement démontré que sa présence
intérimaire à la tête du gouvernement belge
n'avait rien résolu, ni rien apaisé. M. Van
Rompuy s'était tout simplement assis sur la
chaudière en ébullition et, de toute manière, sa
« procrastination » systématique, cet art
consommé de remettre à plus tard la solution aux
problèmes, aurait bientôt fait long feu...
Certains
journalistes européens ont voulu croire ou faire
croire que la promotion de Van Rompuy
s'expliquait par son génie politique : il aurait
réussi à « pacifier les Belges » ! Ce qu'on
entend et ce qu'on lit ici, et notamment dans la
presse flamande, démontre à satiété que les
explosifs sont plus que jamais présents sous la
table, au cœur même du dispositif. Le départ de
M. Van Rompuy s'apparente de toute évidence à
une retraite habile, pour ne pas dire à une
fuite, ce qui lui évitera une fin de règne
ministériel qui eût été peu glorieuse. Les
Belgicistes lucides expriment, ces jours-ci, une
inquiétude fondée : le retour de « Calamity
Leterme » prépare des lendemains qui ne
chanteront pas pour le régime. En vérité, que
Van Rompuy s'en aille ou soit resté en place au
16 rue de la Loi, le chaudron belge aurait , en
tout état de cause, recommencé à bouillonner.
Les récentes
péripéties gouvernementales ont mis en lumière
la domination flamande sur la politique belge.
C'est la Flandre, et le CD&V, en particulier,
qui dictent les grands choix. Refus confirmé de
céder la fonction de Premier ministre à un
Wallon, dédoublement de la fonction de chef de
la majorité avec la rentrée en scène du « faux
sage » mais très flamingant Jean-Luc Dehaene
comme animateur des conversations
communautaires, confiscation des fonctions
internationales et de l'image internationale de
la Belgique par la Flandre. Le vieux CVP reprend
du poil de la bête, sauf qu'il ne pèse plus que
25% de l'électorat flamand.
Ce qui signifie
qu'avec un quart de la représentation flamande,
le CD&V s'exprime et agit au nom de 15%
seulement des habitants de l'Etat-Belgique.
C'est peu, très peu, mais suffisant pour mettre
à genoux les partis francophones officiels. On
voit ceux-ci remercier une Flandre qui
cannibalise l'Etat belge !
L'extraordinaire faiblesse des Wallons (je veux
dire des présidents des partis de gouvernement)
devant le CD&V s'est manifestée clairement
lorsqu'ils ont étalé leur complaisance devant
Leterme : « Donnons lui une deuxième chance, il
n'est pas si mauvais, il a bonifié et il peut
encore bonifier. » ont-ils déclaré en substance
Bien entendu,
cette faiblesse fait remonter d'autres souvenirs
historiques, ceux de l'avant-guerre. Bien
entendu encore, je ne me permettrai pas
d'assimiler le comportement de la Flandre
militante et non respectueuse des Droits de
l'Homme à celui-de l'Allemagne hitlérienne entre
1934 et 1945. Je me situerai seulement sur le
plan de la psychologie collective et du rapport
de forces politiques. Il y a tout de même
quelque chose de commun entre le processus de
fin de l’Etat belge et celui qui conduisit à la
fin de la paix en Europe en 1939. J'entends par
là que certaines postures francophones, chez
nous, nous font immanquablement penser à celles
des dirigeants des démocraties (à l'exception
brillante de Charles de Gaulle et de Winston
Churchill) qui se montrèrent extraordinairement
timorés et velléitaires face aux ambitions
croissantes des puissances fascistes au milieu
des années 1930.
A Londres, à Paris, à Bruxelles, on se résigna à
la réoccupation militaire de la rive gauche du
Rhin par la Wehrmacht en 1936 et on flatta
Hitler en participant aux Jeux olympiques de
Berlin. On toléra l'annexion de l'Autriche en
1938. On se soumit, à Munich, au diktat exigeant
le retour des Sudètes à la mère-patrie
allemande. On ferma ensuite les yeux sur la
destruction de la Tchécoslovaquie, sur la
mainmise nazie sur Prague et sur la création
d'un protectorat slovaque indépendant...
Chacune des
« avancées » d'Hitler augmentait son appétit,
chacune des capitulations des démocraties se
faisait au nom de la paix. Selon l'analyse
célèbre de Churchill, les démocraties n'avaient
pas obtenu la paix, mais seulement la guerre et
le déshonneur. Et en septembre 1939, l'Allemagne
attaquait la Pologne, amenant enfin les
démocraties à la déclaration de guerre, mais
sans que ces dernières osent aller jusqu'à son
déclenchement effectif. On connaît la suite...
L'avènement de
Leterme II s'est produit dans des conditions
humiliantes pour les Francophones. Les chefs des
partis wallons et bruxellois se sont laissé
imposer le retour de « l'homme dangereux »,
arrogant, brouillon, revanchard et complexé. Et
ils n'ont même pas fait semblant d'exiger les
Affaires étrangères.
Les Francophones préfèrent accepter des Flamands
aux postes clés plutôt que de voir l'un d'entre
eux - un concurrent électoral - y accéder. Bien
entendu, la paix communautaire ne sera pas au
bout du chemin : rendez-vous dans quelques mois
au plus tard, pour une nouvelle étape dans la
course vers le suicide collectif qui caractérise
plus que jamais notre scène politique.
En acceptant à
nouveau de subir Leterme, les Francophones
montrent qu'ils manquent de fierté et qu’ils ont
trop peu de sang dans les veines. Wallons et
Bruxellois sont lourdement handicapés par une
triple engeance : des élites frileuses et
résignées, une presse belgiciste et soumise à
l'ordre établi, un régime des partis qui
s'empare de l'Etat et abaisse la démocratie.
Sommes-nous
encore une société politique digne ce nom ? La
question peut et doit être posée. Le malheur
belge frappe plus que jamais nos concitoyens qui
méritent mieux. Politiquement, culturellement,
moralement, il est plus que jamais urgent de « débelgifier »
les Wallons et les Bruxellois.
Je veux
signifier qu'il est impérieux de retrouver un
Etat, une culture politique, un avenir.
Les Wallons et
les Bruxellois ne pourront redevenir pleinement
eux-mêmes que dans le cadre de la République
française.
Article
paru sur le site officiel du RWF |
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