Une des particularités des (véritables)
démocraties est la séparation des pouvoirs.
En Belgique, le législatif, qui fait les
lois, est le Parlement. L'exécutif est le
gouvernement, donc les ministres et le
pouvoir judiciaire, qui sont les cours et
tribunaux, et il est la justice.
Ces trois pouvoirs sont indépendants. Un
ministre ne peut pas se mêler des affaires
des juges et vice versa.
De Clerk, ministre de la Justice, critique
le jugement de Charleroi qui considère qu'il
n'est pas raisonnable de circuler en Jaguar
et d'en vouloir aux voleurs, puisque ces
derniers ont été tentés par la Jag à cause
du propriétaire de la voiture qui devrait,
cela va de soi, enfermer sa voiture dans un
bunker spécialement conçu pour lutter contre
le vol de voiture prestigieuse.
Dans le fond, je suis entièrement d'accord
avec le ministre (pour une fois). Le juge,
qui vient de décréter que rouler en voiture
de luxe est une marque de non-respect envers
les classes populaires qui n'ont que le
droit de baver devant cette belle mécanique,
me fait penser à ces magistrats tout frais
émoulus qu'on appelait jadis "les petits
juges rouges", qui, issus tout droit de mai
'68 et imbibés d'égalitarisme, voulaient
établir une société sans voleurs puisque
tout le monde devait avoir la voiture de
monsieur Toulemonde.
Le juge de Charleroi me semble sorti tout
droit du cauchemar onirique fantasmagorique
d'un maton en fin de carrière. |
Idéal
pour circuler en Wallonie
Modèle bas de gamme, sans options
peut être livrée avec tâches de rouille
agréé par le Tribunal de Charleroi
Evite les cars-jackings, les vols et les
insultes
Tenue conseillée pour
la conduire
training douteux,
casquette penne en arrière sur cheveux
graisseux |
Il me fait penser immanquablement à ces jeunes assistantes sociales écervelées qui ont été déversées dans le monde carcéral dans les années '80 comme on déverse des crevettes dans le bac à eau des flamants. Elles trouvaient aux détenus des tas de raisons expliquant leur comportement et, ne connaissaient que la compassion, elles avalaient goulûment les boniments et bien d'autres choses encore.
Elles estimaient, ces donzelles jetées en pâture aux lubriques pensées des sexuellement privés, que si un détenu est rebelle, c'est à cause de la présence des matons. S'ils sont en prison, c'est à cause de la pharmacienne qui détient toutes les drogues possible et imaginable. Si un détenu tue, c'est dans un réflexe de défense ou c'est uniquement dans le but de protéger sa petite fille qui n'aurait désormais plus de papa pour la border le soir.
Ce juge estime que conduire une voiture de prestige et habiter une maison de maître est un signe ostentatoire de richesse et que, dans une société où tout est à remettre en question, ce comportement appelle et mérite la sanction légitime de la part de cette partie de la société qui ne possède pas de signe de richesse, à savoir le vol.
Il devrait pousser plus loin son raisonnement et affirmer que le voleur malgré lui aurait dû jeter la voiture contre un mur ou au bas d'une falaise. Une voiture, un vol. Plus de voiture, plus de vol !
Si un voleur en veut au propriétaire d'une telle voiture et qu'il la lui emprunte un moment plus ou moins long, ce n'est pas par soucis égalitaire, non ! Car bien qu'il ait envie d'une pareille machine, il ne la vole que pour l'échanger contre quelques milliers de barrettes, contre ce qui lui est nécessaire pour finir l'année. Il échange le superflu contre le nécessaire ! Quoi de plus normal ? Quoi de plus humain ?
Ce qui est inhumain, d'ailleurs, c'est qu'un individu se permette d'acheter une voiture de luxe sans avoir un seul instant l'idée de permettre à un jeune désœuvré d'en profiter en transformant cette carcasse métallique en rail de neige.
Aucune fantaisie chez les riches ! Ils n'ont que ce qu'ils méritent.
Vous vous souvenez de la réplique de Gabin dans "La traversée de Paris" ? Il hurle en direction d'une peuplade d'alcoolisants assoiffés d'oisiveté et qui n'en sortent pas :"Salauds de pauvres !".
Le juge de Charleroi, cette bonne vieille ville qui s'appelait autrefois Libre sur Sambre (tout indiqué de le rappeler pour cette affaire), a probablement eu envie de hurler en direction de ces oisifs assoiffés de boire la vie au goulot :"Salauds de riches !"