Dans la pensée unique, l’Allemagne serait un modèle économique,
les exportations étant le but que toute économie devrait se
fixer. Pourtant, l’anarchie commerciale est en train de détruire
le potentiel de croissance des pays occidentaux.
Le contre-exemple Allemand
Beaucoup d’analystes ont décidément la mémoire courte. Il suffit
que l’Allemagne enregistre une croissance très forte en 2010
pour qu’ils décrètent sans le moindre recul que c’est le modèle
à suivre. Comment ne pas être frappé par tant de bêtise !
Oublient-ils qu’en 2009, ce « modèle » a vu son PIB reculer de
5%, ce qui signifie que sur la période 2009-2010, la richesse
nationale de la France aura moins reculé que celle de son
vertueux voisin d’outre-Rhin ?
Mais surtout, un examen de statistiques un peu longues donne une
perspective totalement différente. De 2000 à 2009, le PIB
Allemand a cru de 0.8% par an (1.5% en France…). Seule l’Italie
a fait moins bien avec une croissance d’à peine 0.5%. Et si le
chômage est nettement plus faible outre-Rhin, il faut aussi le
voir comme la conséquence d’une économie grosso modo 20% plus
importante que la France mais qui compte 20% d’enfants de moins.
La démographie joue un rôle.
L’Allemagne n’est pas un modèle et
comme le souligne Jacques Sapir,
elle est devenue un problème pour l’Europe. Son modèle de
croissance, basé sur les exportations, comprime les salaires,
qui stagnent. Pire, il ne tient que parce que les autres pays
européens ne l’ont pas adopté. Si tout le monde suivait
l’Allemagne, le continent européen s’enfermerait dans la
dépression. Et surtout, comment peut-on affirmer que l’absence
de progrès social pour 90% de la population est un modèle ?
Les conséquences de l’anarchie commerciale |
Nicolas
Dupont-Aignan
président de Debout la République |
Ce contre-exemple Allemand a au moins le mérite de
montrer les conséquences délétères d’un modèle de croissance basée sur
le commerce. Même si je ne partage pas complètement ses conclusions,
Malakine a fait un papier très intéressant sur
l’emploi. Il y distingue quatre types
de secteurs économiques : le public, les services domestiques non
soumise à la concurrence, l’économie productive domestique non soumise à
la concurrence (BTP notamment) et l’économie productive soumise à la
concurrence.
Tout le problème est que les écarts de salaires entre pays en voie de
développement et pays développés ne sont absolument pas proportionnels
aux écarts de productivité, contrairement à la mythologie néolibérale
(sinon, on ne voit pas pourquoi il y aurait des délocalisations, étant
donnés les coûts de transport).
L’existence d’écarts très grands de salaires (de 1 à 20) sans mécanisme
régulateur produit forcément un transfert des emplois vers les zones de
bas salaires.
En outre, cela met une forte pression sur les salaires (comme le montre
le cas de l’Allemagne), condamnant cette partie de l’économie des pays
développés à la décroissance. Pire, la partie de l’économie ouverte à la
concurrence est en croissance rapide, comme le montrent les
délocalisations de certains services (centres téléphoniques, services
bancaires…). La décroissance de ces secteurs crée des déficits qui
pousse l’Etat à réduire ses dépenses, réduisant plus encore notre
potentiel de croissance.
Bien sûr, les néolibéraux utilisent la baisse du prix de certains
produits pour montrer les bénéfices de l’ouverture commerciale. Mais ce
raisonnement est faux : la compression des salaires a été plus forte que
la compression des prix, comme le montre la baisse du pouvoir d’achat
des classes populaires presque partout. Aux Etats-Unis et en
Grande-Bretagne, les ménages n’ont réussi à maintenir leur pouvoir
d’achat qu’au prix d’un recours massif au crédit.
La réalité de l’anarchie commerciale c’est une baisse du prix de
certains produits, mais ce sont surtout des délocalisations massives, du
chômage, une compression des salaires, et, au final, une remise en cause
profonde de la possibilité même de croissance des pays dits développés.
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